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Personnes âgées : polémique autour des nouveaux critères d’aptitude à conduire

Voilà une loi qui ne fait pas plaisir aux personnes âgées et aux associations. Un arrêté paru au Journal officiel revoit l’aptitude à conduire en fonction de certaines pathologies. S’il y en a qui demandent un aménagement particulier, d’autres sont jugées incompatibles avec la conduite. En revanche, ces nouvelles interdictions à conduire peuvent s’appliquer au moindre doute, et sans tenir compte des capacités réelles des personnes âgées. Voici les détails sur cette affaire.

Illustration : "Personnes âgées : polémique autour des nouveaux critères d’aptitude à conduire"

Le délicat sujet de la conduite des seniors

Les personnes très âgées ou atteintes de pathologies neurologiques demandent une attention particulière et un bilan compréhensif et nuancé. La crainte que les seniors provoquent un accident semble légitime, mais la publication du Journal officiel semble avoir fait de l’excès de zèle, car en plus de s’avérer imparfaite, elle a été décidée sans consulter les professionnels de santé. Son objectif : déclarer que la conduite n’est pas compatible avec « les pathologies neuro-évolutives type maladie d’Alzheimer et maladies apparentées ».

Sur le papier, l’idée semble cohérente. Le problème est de confirmer l’incapacité à conduire dès l’apparition d’un premier déclin cognitif. Pour les malades, cela représente le stade 3 sur l’échelle de Reisberg. Le texte prévoit de rendre impossible le délivrement et le renouvellement du permis pour ces personnes, et si ces dernières se montrent têtues, elles risquent de ne plus être couvertes par leur assurance en cas d’accident.

Un texte désuet avant même sa sortie

La sortie du texte a généré autant d’incompréhension que de critiques, et à raison. Car dans les faits, cette nouvelle interdiction est difficilement applicable et même en total décalage avec la réalité. En effet, l’outil d’évaluation utilisé, à savoir l’échelle de Reisberg, est abandonné depuis déjà 20 ans. En plus d’être obsolète, cet outil repose sur un système de score-sanction qui ne permet pas d’évaluer en toute objectivité les capacités d’un senior à conduire. Les experts de santé précisent qu’il faut une évaluation personnalisée et pluridisciplinaire pour établir un tel diagnostic.

Par exemple, les médecins peuvent accompagner progressivement un senior pour l’aider à changer ses habitudes : invitation à la prudence, à la conduite de jour et aux trajets courts et connus. C’est ce qui se fait déjà et qui permet d’assurer une transition en douceur à un âge où de tels bouleversements peuvent être mal vécus. Le médecin agréé est de toute façon tenu par le secret médical : il ne peut donc pas faire de démarches pour retirer au patient son droit à conduire. C’est lui-même qui doit faire la procédure. Le texte de loi risque d’inciter des seniors à ne pas déclarer leur situation de crainte de perdre le droit à la conduite alors qu’ils sont encore capables d’utiliser leur véhicule.

De plus, il peut exister un délai de 12 à 18 mois entre le diagnostic du médecin de ville et l’analyse du neurologue. Si l’on en croit le texte, il faudrait donc retirer le permis à la personne étudiée au moindre doute, ce qui devient vite ingérable en matière de démarches.

Le directeur général de France Alzheimer mène une étude sur la mobilité et notamment la problématique de la conduite automobile. Ces résultats devraient aider à y voir plus clair. En raison des contestations, le texte n’est pour le moment pas appliqué. Les seniors sont d’ailleurs loin d’être les automobilistes les plus dangereux : non seulement ils sont moins impliqués dans les accidents, mais en plus, ils sont les plus victimes des accidents mortels. Les plus de 85 ans ont 50 % plus de chance de mourir que les moins de 25 ans.